« ET CETTE HAINE N’EST PAS ETEINTE »
Tournier 1970 : « C’est comme ce prénom d’Abel qui me semblait fortuit jusqu’à ce jour où les lignes de la Bible relatant le premier assassinat de l’histoire humaine me sont tombés sous les yeux. Abel était berger, Caïn laboureur. Berger, c’est-à-dire nomade, laboureur c’est-à-dire sédentaire. La querelle d’Abel et de Caïn se poursuit de génération en génération depuis l’origine des temps jusqu’à nos jours, comme l’opposition atavique des nomades et des sédentaires, ou plus précisément comme la persécution acharnée dont les nomades sont victimes de la part des sédentaires. Et cette haine n’est pas éteinte, bien loin de là, elle se retrouve dans la réglementation infâme et infamante à laquelle les gitans sont soumis – on les traite comme des repris de justice – et elle s’affiche à l’entrée des villages par les panneaux « Stationnement interdit aux nomades. »