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Hallali

14 février 2012

WELLES POIDS LOURD

BAYON 1982 : "Est-ce qu'on peut vous considérer comme un champion poids lourd de la même façon que Franz Kafka était un "champion du jeûne"?

WELLES : "Je crois que cette question ne vaut rien. Et je vais vous dire pourquoi...Je suis gros. D'abord. Je suis gros parce que je suis sédentaire et non parce que je suis un gros mangeur. Je ne suis pas un "gourmande". Tout le monde pense que je suis gros parce que je dévore. Mais je suis gros parce que je remue très peu. J'ai été blessé quand j'avais 18 ans. Depuis, je me suis toujours battu contre la grosseur. Et mon problème est que la seule façon pour moi de bouger mon corps à l'aise, c'est la piscine. Après ça, vous me demandez si je suis un gros quelque chose de la même manière que Kafka était maigre. Mais je ne mange pas pour "célébrer". C'est un mauvais parallèle. kafka était masochiste et je ne suis pas masochiste. Je suis un pessimiste extrêmement heureux. Sans une touche de cynisme. Heureux, pas cynique, pessimiste. Je fais des plaisanteries...De ce point de vue,  je me sens plus européen qu'américain...Excepté en ce qui concerne le cynisme. C'est la seule chose qui me sépare des intellectuels européens.

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6 septembre 2011

SANS TOUTEFOIS UNE SEULE VIE OUBLIEE

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Krauss 2010 : "C'était l'une de ces scènes hivernales de glace grise, de neige blanche et d'arbres noirs, le tout envahi par une masse humaine en mouvement, délicieusement petite sans toutefois une vie oubliée, chacune évaluée et prise en compte : minuscules scènes de réjouissances et de désespoir, à la fois inquiétantes et comiques, vues à cette distance à travers les yeux téléscopiques du maître. Je m'approchai pour l'examiner. Dans un coin, un homme pissait contre le mur d'une maison tandis qu'au-dessus de lui, à une fenêtre, une femme du peuple au teint terreux s'apprêtait à lui verser un seau d'eau sur la tête. Un peu plus loin, un homme en chapeau était tombé à travers la glace, pendant qu'autour de lui les patineurs indifférents continuaient à se divertir; seul un petit garçon avait remarqué l'accident et essayait de tendre à l'homme qui se noyait l'extrémité de son bâton. Ici, la scène était figée : le gamin penché en avant, le bâton tendu mais pas encore saisi, l'ensemble de la scène basculant soudain vers le trou noir qui s'apprêtait à l'engloutir."

 

 

 

2 janvier 2011

LIAISON MAGIQUE

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Artaud : "L'idée de théâtre ne vaut que par une liaison magique, atroce, avec la réalité et le danger".

30 décembre 2010

JE SUIS L'ELAN

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Tournier 1970 : « On parlait « élans », et il crut à propos de rapporter une anecdote qui se situait en Suède où chaque année le roi Gustave V continuait  à présider la grande chasse à l’élan, malgré ses quatre-vingt deux ans.  On avertissait discrètement les invités que Sa Majesté ayant la vue basse, il était prudent, si l’on se trouvait  à sa proximité au cours de la battue, de crier du plus loin qu’on l’apercevait : « Je ne suis pas l’élan ! » C’est bien ce que fit  un invité de marque à la fin de la chasse, mais à sa grande horreur, il vit aussitôt le vieux monarque épauler et tirer dans sa direction. Blessé légèrement, emporté sur une civière, il eut la possibilité après l’hallali de s’en expliquer avec le roi. Celui-ci lui fit des excuses : « Mais, sire, s’étonna le blessé, quand j’ai vu Votre Majesté, j’ai crié pourtant Je ne suis pas l’élan ! Et il m’a semblé que c’est en m’entendant que Votre Majesté a tiré dans ma direction ! »  Le roi réfléchit un moment. Puis il lui expliqua : « Voyez-vous, mon ami, il faut m’excuser. Je n’ai plus l’oreille bien fine. Oui, je vous ai entendu crier. Mais j’ai compris Je suis l’élan. Alors naturellement, j’ai tiré !»



20 décembre 2010

ROUSSEAU FAISAIT DE LA DENTELLE

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Barthes 1979 : « Si vous voulez, je suis incapable de mettre de l’oisiveté dans ma vie, encore moins du loisir. A part les amis, je n’y mets que du travail ou de la paresse maussade. Je n’ai jamais beaucoup aimé le sport, et maintenant, de toute manière, j’en aurais passé l’âge. Alors que voulez-vous que quelqu’un comme moi fasse s’il décide de ne rien faire ? Lire ? Mais c’est mon travail. Ecrire ? Encore plus. Quoi d’autre ? Rousseau, en Suisse, vers la fin  de sa vie, faisait de la dentelle. On pourrait sans trop d’ironie poser le problème du tricot. Tricoter, c’est le geste même d’une certaine paresse, sauf si l’on est rattrapé par le désir de finir l’ouvrage. Mais les conventions interdisent aux hommes de tricoter. Le spectacle, la chose la plus anticonformiste et donc, à la lettre, la plus scandaleuse que j’ai vue peut-être dans ma vie, scandaleuse, non pour moi, mais pour les gens qui y assistaient, c’était, dans un wagon de métro à Paris, un jeune homme qui a sorti de son sac un tricot et s’est mis ostensiblement à tricoter. Le tricot, voilà l’exemple d’une activité manuelle, minimale, gratuite, sans finalité, mais qui représente tout de même une belle paresse bien réussie. »

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11 décembre 2010

RIMBAUD TATOO

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Michon 1996 : « Et vous vous trompez, ce n’est pas de la poésie qu’il s’agit avec le nom de Rimbaud, mais de la complicité et du conflit entre ce qu’on est au plus haut de soi-même, et ce qu’on ne saurait être sans se détester.  Ce n’est pas le duel lilliputien entre poésie et prose qui rend compte de Rimbaud, c’est ce frottement de soi contre soi, plein de brutalité et de dérision. Je vais vous raconter une histoire qui vaut ce qu’elle vaut : quand Bernadotte, l’homme de main de Bonaparte devenu roi de Suède, mourut sous le nom de Charles XIV, on le fit embaumer ; au scandale des cours d’Europe, on découvrit alors, tatoué sur son bras de roi : « Mort aux rois ». Eh bien, chaque fibre du corps de Rimbaud, sa vie le prouve assez, portait tatoué : « Mort à l’auteur » ; son corps savait que l’écriture était une fouterie, un rond de jambe, des rinçures comme il disait ; et pourtant il ne fut que cela auteur, en cela il fut des meilleurs, et je crois pouvoir dire  que même dans ses épiceries du fin fond de la brousse éthiopienne, il le savait, il ne savait que cela. »

10 décembre 2010

« ALCIBIADE, PONCE PILATE, CALIGULA, HADRIEN »

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Tournier 1970 : « Par bribes, en feuilletant les dictionnaires, en glanant ce que je pouvais dans des ouvrages de compilation scolaire, en guettant dans un cours d’histoire ou de français l’allusion fugitive à ce qui m’importait au premier chef, je commençai à me constituer une culture en marge, un panthéon personnel où voisinaient Alcibiade et Ponce Pilate, Caligula et Hadrien, Frédéric-Guillaume Ier et Barras, Talleyrand et Raspoutine. Il y avait une certaine façon de parler d’un homme politique ou d’un écrivain - en le condamnant certes, mais cela ne suffisait pas, il y fallait autre chose encore – qui me faisait dresser l’oreille et soupçonner qu’il s’agissait peut-être de quelqu’un des miens. »

9 décembre 2010

« SON EUSTACIA VYE, ELLE ME PLAIT BIEN »

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Salinger 1945 : « Mon rêve c’est un livre qu’on arrive pas à lâcher et quand on l’a fini on voudrait que l’auteur soit un copain, un super-copain et on lui téléphonerait chaque fois  qu’on en aurait envie. Mais ça n’arrive pas souvent. J’aimerais assez téléphoner à Karen Blixen. Et à Ring Lardner, sauf que DB m’a dit qu’il était mort. Tout de même prenez ce bouquin Servitude humaine  de Somerset Maugham. Je l’ai lu l’été dernier. C’est pas mal et tout, mais j’aurais pas envie de téléphoner à Somerset Maugham. Je sais pas, c’est le genre de mec que j’aurais jamais envie d’appeler. J’appellerais plutôt le petit père Thomas Hardy. Son Eustacia Vye, elle me plaît bien. » 

5 décembre 2010

« CE TRUC COMPLETEMENT INCOMPREHENSIBLE »

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Michon (1993) : « Les premières grandes émotions, ce sont les récitations de l’école primaire. On n’y comprenait rien, l’instituteur non plus. J’avais appris par cœur les cinq ou six premières strophes de « Booz endormi » de Victor Hugo. « Booz s’était couché de fatigue accablé » ça va.

« Il avait tout le jour travaillé dans son aire » : aire ? Et « Comme dormait Jacob, comme dormait Judith » : qui c’est, ceux-là ? Ces instituteurs avaient une croyance dans le texte, une croyance dévote. Ils pouvaient bien ne pas comprendre  grand-chose à un poème de Victor Hugo (ils comprenaient bien des choses, mais pas tout dans le détail), ils le disaient avec cet éclat, cette voix chantante. Dans la classe, pour les enfants qui venaient du fond de l’arrière-campagne, c’était quelque chose comme de l’incantation qui les subjuguait totalement. C’était quelque chose à aimer. On se trompe aujourd’hui, il faut continuer à apprendre des choses que l’on ne comprend pas. Une autre fois, en fin d’année, au retour d’une classe-promenade où on était allés faire de la botanique, l’instituteur a lu le début de Salammbô de Flaubert. Je devais avoir 9 ans. Je me rappelle ce truc complètement incompréhensible : « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. » Et puis toutes ces histoires de Gaulois qui mangeaient des homards. On ne comprenait rien mais il se passait là quelque chose, ce clinquant fabuleux. »

25 novembre 2010

« UN WASHINGTON CANNIBALESQUEMENT DEVELOPPE »

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Melville (1851) : « Tout sauvage qu’il était, et avec cette figure hideusement abîmée – pour mon goût du moins – de lui se dégageait quand même quelque chose de pas du tout déplaisant. On ne peut pas cacher son âme ! A travers tous ces affreux tatouages je crus sentir la présence d’un cœur simple et honnête et, dans ses grands yeux profonds, la présence d’un esprit pouvant défier mille diables (…) il avait l’air d’un homme n’ayant jamais de courbettes devant personne et ne devant rien à personne. Il y avait aussi que, sa tête étant rase, son front se montrait plus libre et d’un relief plus expressif et net qu’il ne l’aurait fait autrement  - mais je n’ose trop l’affirmer. – Phrénologiquement, sa tête était une excellente tête. Je vais peut-être paraître ridicule, mais elle me faisait penser à la tête du général Washington telle qu’elle est représentée dans les bustes populaires (…) Queequeg était un Georges Washington cannibalesquement développé. »

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